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Lors de l'exposition du musée municipal de Bressuire consacrée aux trésors monétaires découverts dans les Deux-Sèvres [1], sept monnaies provenant de la Ferrière, lieu-dit situé entre Saint-Porchaire et Bressuire, furent exposées. C’est le seul ensemble monétaire découvert à Bressuire qui nous soit parvenu. C’est pourquoi il nous est apparu opportun de lui consacrer ces quelques lignes.
Ce trésor fut découvert à l’occasion d’une opération de fouilles préventives réalisée en 1994, en préalable à l’aménagement de la RN 149 contournant Bressuire [2]. Menée en hiver sous des conditions climatiques difficiles, cette opération s’est limitée à quelques dizaines de mètres carrés et n’a pu explorer l’ensemble du site. Pour autant, Jean-Philippe Baigl, archéologue de l'AFAN aujourd'hui INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives), et son équipe ont mis au jour un ensemble agricole et potier carolingien, structure encore inconnue sur le territoire de Bressuire.
LE SITE
Le site se présente sous la forme de nombreuses fosses aménagées. Certaines contiennent un abondant mobilier céramique et l’une d’entre elles est identifiée par Catherine Ballarin (archéologue, spécialiste de la céramique, INRAP) comme une tessonnière (fosse dépotoir de tessons de céramique) [3]. D’autres fosses contiennent des fragments d’argile rubéfiée pouvant correspondre à des parois d’une sorte de four. D’autres enfin abritent des fonds de vases (50 et 65 cm de diamètre) pour le stockage et la conservation de denrées. Les archéologues ont dénombré près de 483 formes avec 12 types différents. Ce sont en majorité des oules (pots), quelques cruches et plusieurs fragments de poêlons. Certaines oules sont de grandes dimensions et elles étaient probablement utilisées comme vases de stockage, les autres plus petites servaient comme pots à cuire. Quelques unes ont le rebord perforé de deux trous, probablement pour être suspendues. Ce dernier type d’oules paraît être caractéristique des Deux-Sèvres.
Le grand nombre de tessons (17 124), l’homogénéité des types, ainsi que la présence d’éléments rubéfiés, incitent à penser que toutes ces céramiques ont été fabriquées sur place ou à proximité immédiate de la partie fouillée, avec une occupation du site qui fut de relative courte durée.
Les autres éléments mobiliers découverts (trois fusaïoles en terre cuite, des éléments de pierre à aiguiser, des fragments de meule, une agrafe en bronze à double crochet et une hache en fer) sont caractéristiques d’un site agricole carolingien.
LES MONNAIES
A proximité, 13 monnaies d’argent ont été découvertes autour d’une même fosse, légèrement éparpillées sur une surface d’un mètre carré [4]. Il est vraisemblable qu’elles proviennent d’une bourse et qu’elles ont été par la suite étalées par des animaux fouisseurs.
Cet ensemble est composé de 11 deniers et de 2 oboles en argent [5]. L’un des deniers fut émis sous Louis le Pieux (814-840), c’est un denier au temple. Les douze autres furent frappés sous le règne de Charles le Chauve (840-877).
Les deniers et oboles étaient depuis Charlemagne l’unique instrument d’échange officiel de l’empire. Et l’obole, qui représente la moitié de la valeur d’un denier permettait de répondre aux besoins des transactions plus modestes. Ces espèces représentaient en effet un pouvoir d’achat important : on achetait une vache pour 15 deniers.
Malheureusement, bien qu’ayant peu circulé, près de la moitié des monnaies découvertes sont cassées ou très fragmentées et souffrent de cristallisation. C’est pourquoi seules sept ont été présentées lors de l’exposition. Notre propos se consacrera uniquement à celles-ci.
Voici une description sommaire des types de monnaies découvertes [6] :
Obole (n° 1)
Droit : le monogramme de Charles (K/A/R/O/L/V/S) prend tout le champ. Une petite croix est insérée entre le K et le L.
Revers : + METVLLO. Une croix pattée est au centre du cercle. A l’inverse des deniers, le droit porte le monogramme de Charles et le revers la croix. La légende indique le lieu de frappe : "de Melle" (l’une des plus grandes mines d’argent de l’empire et atelier de frappe monétaire)
Deniers (n° 2, 3, 4, 5 et 7)
Droit : + CARLVS REX FR ; croix pattée au centre d’un cercle grénetis. La légende signifie : "Charles roi des Francs"
Revers : + MET + VLLO ; monogramme de Charles (K/A/R/O/L/V/S).
Denier (n° 6 sur l’illustration)
Droit : + CARLVS RE + FR ; avec une croix pattée dans un cercle grénetis.
Revers : + MET + VLLO, avec au centre le monogramme de Charles (KAROLVS).
La datation au carbone 14 d’un morceau de bois découvert sur le site apporte une fourchette chronologique comprise entre 673 et 878 apr. J.-C. Par ailleurs, on sait que l’atelier de Melle émit ce type de denier entre 840-845 puis à partir de 848. On peut donc réduire la période d’émission entre 840 et 878 après J.-C. La présence d’un "denier au temple" de Louis le Pieux (non visible) et l’absence de monnaies de Pépin II d’Aquitaine permet, selon Arnaud Clairand (expert en numismatique), de proposer une datation probable de 840-845 apr. J.-C.
Cette période correspond à une époque troublée : au milieu du IXème siècle apr. J.-C., Bressuire est située dans la région d’Aquitaine, qui s’étend de la Loire aux Pyrénées. Charlemagne a constitué ce vaste ensemble en royaume. Plus tard, des tensions entre le « parti » de l’indépendance aquitaine dirigé par Pépin II (proclamé roi d’Aquitaine en 838) et les tenants de Charles le Chauve roi de France engendreront campagnes militaires et dévastations. A cela s’ajouteront les incursions des Normands qui prennent Saintes en 845 et mènent un raid en 848 sur Melle.
Les différents éléments découverts à La Ferrière nous permettent d’affirmer qu’il existait à Bressuire au milieu du IXème siècle une structure de type agricole qui était également lieu de production de céramique commune. Et les monnaies découvertes ont rendu possible la datation, vers 840-845 de cette occupation, la plus ancienne attestée ce jour sur Bressuire.
[1] Trésors cachés… trésors retrouvés, les trésors monétaires dans les Deux-Sèvres, musée de Bressuire du 7 mars au 27 avril 2008.
[2] Baigl (J.-P.), rapport de fouilles de la Ferrière, DFS de sauvetage urgent, déviation de Bressuire, RN 149, Service Régional de l’Archéologie Poitou-Charentes, 1994.
[3] Ballarin (C.), Une production potière carolingienne à la Ferrière (Deux-Sèvres), bulletin de l’AAPC n° 28, 1999, pp. 42-47
[4] Arnaud Clairand, in Argent caché... et retrouvé, pp. 87-89, catalogue de l'exposition, Parthenay, septembre 2007
[5] Baigl (J.-P.), Clairand (A.), Jeanne-Rose (O.), Trouvailles récentes de monnaies carolingiennes dans les Deux-Sèvres, Bulletin de la Société Française de Numismatique, 1995, pp. 1152-1155.
[6] Nous reprenons la description de M. Arnaud Clairand, op. cit
En 1972, l’école de musique de Bressuire offre au musée de Bressuire une peinture décrite ainsi sur l'inventaire : « un grand tableau anonyme représentant Ste-Cécile, de la fin du XIXème siècle ». L'oeuvre d'une belle dimension (H. 140 cm ; l. 84 cm) est remisée dans les réserves du musée puis dans les greniers de la mairie où elle demeure ignorée pendant 35 ans. A l’occasion d’une visite de routine dans les greniers de la ville en 2008, le conservateur du musée repère cette oeuvre d'une belle facture. Une marque de doigt incrustée dans la toile témoigne d'un transport maladroit, une déchirure indique qu'elle a été posée sur l'angle d'un meuble, des éraflures, de nombreuses salissures et des repeints successifs dénaturent la scène et la beauté de la jeune femme. Bien que datée du XIXème siècle, son thème et sa facture rappellent des périodes antérieures. Au regard de son intérêt, il est décidé en 2012 de confier sa restauration au restaurateur Xavier Jallais, de l'atelier Verre-Jade situé à Morthemer [1]. Les travaux se déroulent pendant près d’une année au sein de l’atelier du Centre de Conservation et de Restauration des Peintures et Arts graphiques des musées de Niort. Nous appuyant sur son travail remarquable une enquête au coeur des archives et des bibliothèques nous fait découvrir quelques bribes de son histoire. C'est cette quête qui est contée dans les lignes suivantes. |
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La peinture avant restauration | L'Allégorie après restauration | ||
Exemple de déformation de la toile qui a engendré le soulèvement et la disparition de la couche picturale |
Lacunes | Le restaurateur Xavier Jallais comble une lacune au sein de l'atelier du Centre de Restauration et de Conservation des Peintures & Arts Graphiques des Musées de Niort | Visage débarrassé à moitié de son ancien vernis |
Le phylactère avant nettoyage |
Le tableau sous lumière ultra-violette révèle de nombreux repeints (tâches sombres) | Après examen de la toile aux UV qui permet e discerner les couches picturales anciennes (en bleu) le repeint(gauche) est rectifié (droite) | Ajout de bandes de tension aux bords de la toile qui ont été coupés, vraisemblablement pour la faire tenir dans son cadre actuel |
Cette impression est due, nous semble-t-il, à un ensemble de caractéristiques qui s'apparente davantage au réalisme baroque qu'à l'idéalisme classique. La scène est construite en pyramide irrégulière. La composition nous emmène naturellement vers les yeux de la jeune femme, au deux-tiers de la hauteur du tableau. Ses vêtements au large drapé avec un grand noeud sont amples et forment de grandes courbes qui traversent une partie de l'espace, générant une impression de mouvement malgré la position statique de la jeune femme. Ses cuisses sont très longues, suffisamment pour porter la lyre, toucher l'angle du tableau et mener l'oeil du spectateur sur la droite, presque jusqu'à sortir du tableau. Cette légère déformation physique met en valeur l'instrument et apporte une touche de dynamisme supplémentaire au tableau. Les couleurs bleue blanche et rouge composent une gamme froide en même temps qu'elles participent à détacher le personnage du fond, comme une sorte de perspective. L'impression de froideur ou de détachement de l'ensemble est contrebalancée par la sensualité de la mèche de cheveux qui retombe dans le cou et le léger décolleté. Celui-ci permet d'apprécier la belle et fine carnation du personnage dont le visage exprime une émotion de surprise ou de ravissement. Les yeux tournés vers le ciel évoquent, selon les conventions artistiques des XVIème et XVIIème siècles qui seront reproduites jusqu'au XIXème siècle, soit l'extase mystique pour les tableaux religieux, soit le ravissement pour les peintures profanes. En somme, la jeune femme perçoit des "choses" qui dépassent la raison et notre univers de terriens. Elle est assise sur des nuages et le modèle de lyre peint ici n'a jamais existé car il ne fonctionnerait pas sur terre. Est-ce donc l'instrument de Dieu ou dieu de la musique Apollon ? Comme la jeune femme n'est accompagnée d'aucun symbole religieux (pas d'auréole au-dessus de la tête) et que la lyre est un instrument plutôt profane, il semble bien que ce monde extraordinaire appartienne à l'univers profane. Mais qui est-elle donc ? Mais nous venons de faire référence au XVIIème alors que cette peinture est décrite lors de son arrivée au musée comme ayant été peinte au XIXème siècle. Pourquoi ? La restauration de la peinture qui passe par un examen attentif de ses composants et des techniques employées, nous apporte des informations décisives : la trame de la toile indique une fabrication du XVIIème siècle et la couche de préparation sous la peinture est rouge, conformément aux habitudes du temps. Le thème comme les techniques employées nous orientent donc vers le XVIIème siècle. Des comparaisons sont-elles possibles ? Une piste nous est fournie par une estampe gravée par Vermeulen d'après un dessin du peintre Pierre Mignard (1612 -1695). C'est une allégorie de la musique. Elle est utilisée comme frontispice pour un recueil de pièces de clavecin de Henri d'Anglebert (1629-1691) paru en 1689. Et plusieurs points communs sont immédiatement décelables : la chevelure est très proche de notre allégorie, un oiseau survole la jeune femme, le phylactère porte un texte identique et la lyre est la même que celle figurant sur les peintures. On peut donc imaginer que l'oeuvre de Bressuire est inspirée par le dessin ou par la gravure de Mignard. Son créateur, de grand talent, appartenait peut-être à l'entourage de Mignard. Ce n'est pas une toile de chevalet ! Avant cette transformation, l'Allégorie devait donc être une peinture posée sur une boiserie, comme cela s'est beaucoup pratiqué aux XVIIème-XVIIIème siècles pour orner les cabinets de musique ou de travail de riches érudits. On pense ainsi au cabinet parisien de Jacques le Destin (1597-1661) qui fit représenter les septs arts libéraux. Peut-être notre Allégorie de la Musique a-t-elle des soeurs en Allégories conservées quelque part... [1] Xavier Jallais a présenté son travail à l’occasion de la Nuit des musées qui s’est déroulée au musée le 16 mai 2015. |
Située au Nord ouest de la Région Nouvelle Aquitaine et des Deux-Sèvres, au carrefour de la Vendée, de la Loire-Atlantique et du Maine et Loire, la Communauté d'Agglomération du Bocage Bressuirais (33 communes, 76 452 habitants) est présente dans de nombreux domaines de la vie quotidienne : transport, urbanisme, assainissement, déchets, développement durable, économie, enfance, personnes âgées, culture, bibliothèques, salles de spectacle, conservatoire de musique, musées, centres aquatiques, tourisme...